De la secte persécutée à la religion d'Etat

Publié le par bleu_lagon

A ses débuts, le christianisme a rencontré une vive opposition tant de la part des juifs que des romains. Il était considéré comme une secte dangereuse contre laquelle il fallait lutter de toute ces forces (Actes 24:5 ; 28:22). La lutte fut effectivement sans merci (Actes 7:54 à 8:3 ; 9:1, 2; 12:1, 2). Au nombre des instigateurs de cette persécution figurent les empereurs Néron, Domitien, Marc Aurèle et Dioclétien. C'est probablement durant le règne de Domitien que Jean fut exilé sur l’île de Patmos.

En 303, Dioclétien déclencha une épouvantable persécution contre les chrétiens. Toutefois, un peu auparavant, il avait ouvert la voie à une importante modification religieuse qui incluait la religion chrétienne. Il avait divisé son empire en quatre et, après 285, avait fait de Trèves la capitale de l’empire d’Occident, qui comprenait la Gaule, l’Espagne, la Grande-Bretagne et les deux provinces germaniques.

Après l’abdication de Dioclétien, en 305, Constantin le Grand monta au pouvoir et, l’année suivante, il se fixa à Trèves. Constantin se rendit rapidement compte que les diverses peuplades et les différents groupements de son empire avaient besoin d’un lien qui les unirait. Il aboutit à la conclusion que la religion chrétienne pourrait constituer ce lien. Aussi reconnut-il officiellement cette religion dans l’édit de Nicomédie, en 313.

Avec le soutien de Constantin, la religion de la chrétienté devint la religion officielle de l’État romain. Élaine Pagels, professeur de religion, explique: "Les évêques chrétiens, autrefois susceptibles d’être arrêtés, torturés puis exécutés, étaient maintenant exemptés d’impôt, recevaient des dons du trésor impérial, et possédaient prestige et même influence à la cour; leurs églises acquéraient de nouvelles richesses, du pouvoir et imposaient le respect." Ils étaient devenus les amis de l’empereur, les amis du monde romain. (Comparez avec Jacques 4:4).

Comme on était déjà loin de ces paroles du Christ : " Mon royaume ne fait pas partie de ce monde. " (Jean 18:36).

LE CONCILE DE NICÉE EN 325

Vers le IVème siècle, les chrétiens eux-mêmes étaient en désaccord sur différentes questions, si bien que Constantin dut commencer par essayer de les réunir. À cette époque, les principaux personnages en présence sont trois théologiens-philosophes d’Alexandrie, en Égypte: d’un côté Arius, de l’autre Alexandre et Athanase.

Que croyaient les ariens? Ils étaient attachés à la "doctrine selon laquelle Christ le Fils est inférieur à Dieu le Père et de substance différente parce qu’il a été créé par Dieu et est venu à l’existence après Dieu".

Que croyaient les partisans de la trinité? Selon leur doctrine on définit aujourd’hui la trinité comme la "personnalité triple de l’unique Être divin" dans laquelle ‘Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit’ sont dits être de la même substance, coégaux et tous trois incréés et tout-puissants.

Dans un effort d’apaisement, Constantin convoqua le concile de Nicée, en 325, où l’on adopta le credo de Nicée, qui formulait la doctrine de la Trinité. Bien qu’il ne fût pas encore baptisé, Constantin présida ce concile auquel assistèrent seulement 318 évêques; avec leur suite, il dut y avoir entre 1500 et 2000 assistants. Même le pape Sylvestre Ier était absent.

Pendant environ deux mois, trinitaires et ariens se querellèrent, les premiers utilisant souvent une tactique extrêmement intolérante. Remarquant que les trinitaires étaient en majorité, Constantin décida en leur faveur. Il fit cesser l’opposition parmi les évêques et exigea la signature de tous sous peine d’être exilés. Seuls deux évêques de Libye refusèrent; avec Arius et les prêtres qui lui restèrent fidèles, ils furent exilés en Illyricum, territoire correspondant à la Yougoslavie occidentale d’aujourd’hui. Les écrits d’Arius furent saisis et brûlés, et on interdit à chacun d’en posséder sous peine de mort.

On peut en tout cas se demander pourquoi ces surveillants, s’ils étaient chrétiens, ont accepté d’obéir à un empereur romain païen, se laissant dicter son point de vue dans des affaires chrétiennes...

LE SYMBOLE DE NICÉE

Le dogme proclamé à Nicée, en 325, entra dans l’histoire sous le nom de symbole de Nicée. Le voici:

" Nous croyons en un Dieu, Père tout-puissant, créateur de toutes les choses visibles et invisibles. Et en un Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles; Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait : qui, pour nous, les hommes, et pour notre Salut est descendu des cieux, par le Saint-Esprit s’est incarné en la Vierge Marie, s’est fait homme; il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate; a été enseveli, est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures, est monté aux cieux; il siège à la droite du Père, et il reviendra en gloire juger les vivants et les morts; son règne n’aura pas de fin. Et en l’Esprit-Saint, le Seigneur, qui vivifie: qui procède du Père et du Fils: qui avec le Père et le Fils est conjointement adoré et glorifié; qui a parlé par les prophètes. Et en une Église sainte, catholique et apostolique. Nous confessons un baptême pour la rémission des péchés. Nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Amen."

Après une lecture attentive du symbole de Nicée, nous notons avec intérêt que ce dogme ne donne pas une définition complète de la trinité. Ce credo ne donne en effet pas de personnalité au Saint-Esprit. Cela mérite d’être signalé. Le Père et le Fils sont dits consubstantiels, le Saint-Esprit est appelé "le Seigneur, qui vivifie", mais ce credo ne dit pas non plus que ces trois personnes composent "un seul Dieu". Plus tard, ce symbole reçut des additions; on croit que ce fut au concile de Constantinople, en 381.

LE SYMBOLE D'ATHANASE

C’est le symbole d’Athanase qui donnera à la doctrine de la trinité sa formule définitive. Comme nous l'avons vu, Athanase était ce jeune archidiacre qui soutint avec énergie les idées exprimées dans le symbole de Nicée. Est-il l’auteur du dogme qui porte son nom? Probablement pas. John J. Moment affirme nettement: "Athanase était mort depuis cinq cents ans quand ce dogme a fait son apparition." (We Believe, page 118).

On lit pareillement dans la Nouvelle Encyclopédie britannique :

"L’Église d’Orient n’a pas eu connaissance du symbole avant le XIIème siècle. Depuis le XVIIème siècle, les biblistes admettent que ce symbole n’est pas dû à Athanase (mort en 373), mais qu’il a probablement été rédigé au Vème siècle dans le sud de la France. (...) L’influence du symbole semble d’abord s’être fait sentir, aux VIème et VIIème siècles, dans le sud de la France et en Espagne. L’Église de Germanie au IXème siècle, et un peu plus tard celle de Rome, l’intégrèrent à leur liturgie." (The New Encyclopædia Britannica, 1985, 15ème édition, Micropædia, volume 1, page 665).

Veuillez considérer la doctrine de la trinité telle qu’elle est définie dans le symbole d’Athanase :

"(...) que nous vénérions un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’unité, sans confondre les personnes, ni diviser la substance. Car autre est la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle de l’Esprit-Saint Et cependant, du Père et du Fils et du Saint-Esprit, une est la divinité, égale, la gloire, coéternelle la majesté. Tel est le Père, tel est le Fils et tel est l’Esprit-Saint. Incréé est le Père, incréé est le Fils, incréé est l’Esprit-Saint. Immense est le Père, immense est le Fils, immense l’Esprit-Saint. Éternel est le Père, éternel est le Fils, éternel l’Esprit-Saint. Et cependant il n’y a pas trois éternels, mais un seul éternel. Ni trois incréés, ni trois immenses, mais un seul incréé et un seul immense. De même tout-puissant est le Père, tout-puissant le Fils, tout-puissant l’Esprit-Saint. Et cependant il n’y a pas trois tout-puissants, mais un seul tout-puissant. De même Dieu est Père, Dieu est Fils, et Dieu est Esprit-Saint. Et cependant il n’y a pas trois Dieux, mais un seul Dieu. De même Seigneur est le Père, Seigneur le Fils, et Seigneur l’Esprit-Saint. Et cependant, il n’y a pas trois Seigneurs, mais un seul Seigneur. Car tout comme nous sommes tenus par la vérité chrétienne de confesser que chaque personne prise à part est Dieu et Seigneur, ainsi nous est-il défendu par la religion catholique de dire qu’il y a trois Dieux et trois Seigneurs.

"Le Père n’est fait par personne, ni créé, ni engendré. Le Fils est du Père seul, non pas fait, ni créé, mais engendré. L’Esprit-Saint est du Père et du Fils, non point fait, ni créé, ni engendré, mais procédant (de l’un et de l’autre). Il n’y a donc qu’un Père et non trois Pères: un seul Fils et non trois Fils, un seul Esprit-Saint et non trois Esprits-Saints.

"Et dans cette Trinité, rien d’antérieur ou de postérieur, rien de plus grand ou de moins grand, mais en tout les trois personnes sont mutuellement coéternelles et coégales. En sorte que de toute façon, comme on l’a dit plus haut, nous devons vénérer l’unité dans la Trinité et la Trinité dans l’unité. Qui donc veut être sauvé doit ainsi penser de la Trinité (...)."

Mais que dire alors des passages des Écritures où Jésus semble être subordonné à son Père (comme par exemple dans les versets suivants: Jean 14:28 ou 1 Corinthiens 11:3)? Le "symbole" cité ci-dessus élude le problème en déclarant que Jésus est à la fois "Dieu parfait" et "homme parfait". Nous lisons: "Car la vraie foi est que nous croyions et confessions que notre Seigneur Jésus Christ, le Fils de Dieu, est Dieu et homme. (...) Dieu parfait et homme parfait (...). Égal au Père en ce qui concerne sa Divinité, et inférieur au Père en ce qui concerne son Humanité. Qui, quoiqu’il fût Dieu et homme, n’est cependant pas deux, mais un seul Christ."

L'INFLUENCE GRECQUE

Le langage technique dans lequel la doctrine de la Trinité a été exposé (hupostasis, ousia, substantia, subsistentia, prosôpon, persona) ne figure pas dans la Bible. D'où vient-il donc?

John McKenzie déclare: "La trinité de personnes dans l’unité de nature est définie en termes de ‘personne’ et de ‘nature’, qui sont des termes de philosophie gr[ecque]; en fait, ces mots n’apparaissent pas dans la Bible. Les définitions trinitaires résultent de longues controverses dans lesquelles ces termes et d’autres comme ‘essence’ et ‘substance’ ont été appliqués à tort à Dieu par certains théologiens." — Dictionary of the Bible (New York, 1965), p. 899.

Un ouvrage de référence français, parlant de la Trinité, attire notre attention sur le philosophe grec Platon (v. 427-347 av.n.è.), en ces termes:

"La trinité platonique [platonicienne], qui ne fut elle-même au fond qu’une sorte d’arrangement, de disposition nouvelle, des trinités plus anciennes des peuples qui avaient précédé, nous paraît bien être la trinité philosophique, rationnelle, c’est-à-dire la trinité d’attributs qui a donné naissance à la triplicité d’hypostases ou de personnes divines des Églises chrétiennes (...). Cette conception de la Trinité divine du philosophe grec (...) se trouve partout dans les anciennes religions [païennes]."Dictionnaire universel de Maurice Lachâtre.

Qui plus est, l’Encyclopédiebritannique (1979, Macropædia) remarque: "Pareille hellénisation s’est bel et bien produite dans une large mesure. Les définitions de la foi chrétienne formulées par les credo des synodes œcuméniques de l’Église primitive indiquent que l’on recourait à des catégories non bibliques empruntées à la philosophie néo-platonicienne pour énoncer la doctrine de la Trinité."

CONSTANTIN ÉTAIT-IL CHRÉTIEN?

Le triomphe d’Athanase et des trinitaires fut de courte durée. Ayant pris le parti des trinitaires pour des raisons certainement politiques, Constantin était tout aussi prêt à changer de camp lorsque la situation politique l’exigerait. C’est ce qui se produisit quelques années plus tard quand Constantin fit de Byzance sa capitale et construisit la ville portant son nom, Constantinople. Dans cette région, les ariens étaient puissants, et les évêques n’avaient signé la déclaration de Nicée que sous l’effet de la peur.

Eusèbe de Nicomédie, évêque de Constantinople, était partisan d’Arius; il réussit à persuader Constantin de changer de camp. Arius fut donc rappelé d’exil, tandis que de nombreux évêques trinitaires furent bannis. En 335, Athanase lui-même se vit finalement exiler à Trèves en Gaule (France). Peu après, immédiatement avant sa mort, Constantin fut baptisé par l’évêque arien Eusèbe.

Constantin étant mort, le Sénat romain l’éleva au rang des dieux. Par ce geste, le Sénat montrait qu’il était encore païen et nullement chrétien. D’ailleurs, cela n’empêcha pas les communautés religieuses d’Orient de faire de Constantin un saint. Les Églises grecque, copte et russe célèbrent en effet la fête de saint Constantin le 21 mai.

Combien de catholiques et de protestants sont au courant que cette doctrine, la Trinité, remonte à un empereur païen qui, à des fins politiques, s’en servit pour fusionner une religion païenne gallo-romaine avec le " christianisme " de l'époque?

Ces faits font partie de l'histoire, qu'ils nous plaisent ou non. Et on ne peut pas ne pas en tenir compte. Jésus avait annoncé l’abandon du christianisme véritable (Matthieu 13:24-43). L’apôtre Paul avait lui aussi parlé de l’apostasie à venir : "Un temps viendra où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine, mais au contraire, au gré de leurs passions et l’oreille les démangeant, ils se donneront des maîtres en quantité et détourneront l’oreille de la vérité pour se tourner vers les fables." — 2 Timothée 4:3, 4.

Aussi nous sommes en droit de nous interroger : Dieu s'est-il servi de Constantin et des quelques évêques qui ont répondu à son invitation pour donner une révélation d'une importance capitale sur Sa personne? Ou, au contraire, tout cela n'est-il que l'oeuvre du Diable dans ses efforts pour aveugler l'esprit des gens? (2 Corinthiens 4:4).

Pour qu'un fruit soit bon, il faut que l'arbre le soit aussi. L'arbre qui a produit ce fruit vous semble-t-il irréprochable? Discernons-nous véritablement le doigt de Dieu dans tout cela? A vous de vous faire votre opinion personnelle.

 

 

Publié dans La Trinité

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E
"C'est durant le règne de Dioclétien que Jean fut exilé sur l’île de Patmos"<br /> <br /> Non, celui de Domitien.
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B
Bonjour Elisa. Tu as raison. Après vérification, il s'avère que, de l'avis générale, Jean fut exilé par l’empereur Domitien, qui avait imposé le culte de l’empereur (puis libéré par son successeur, l’empereur Nerva, 96-98). La persécution des chrétiens atteignit d’ailleurs son paroxysme au cours de son règne (81-96), surtout les trois dernières années. Selon la tradition, Jean aurait été libéré et serait revenu d’exil après la mort de Domitien, et il serait mort à Éphèse vers la fin du Ier siècle. Je te remercie d'avoir relevé cette erreur. Bien cordialement, Bleu_lagon. <br />