1Jean 5:7
1Jean 5:7 se lit ainsi dans La Saint Bible de A. Crampon : " Car il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, le Verbe et l’Esprit ; et ces trois sont un."
Les version de la Bible Saci, J. F. Ostervald, A. Glaire, et Martin 1744 contiennent toutes les mots " dans le ciel : le Père, le Verbe et l’Esprit ; et ces trois sont un. "
S'il est un verset de la Bible qui décrit la Trinité, c'est bien celui-ci. On serait donc tenté de lui apposer la note recevable. Mais ce serait aller un peu vite en besogne.
La Bible de Jérusalem (1961) comporte en effet une note pour ce verset, en bas de page, qui révèle ceci : "Le texte des versets 7-8 est surchargé dans la Vulg[ate] par une incise (ci-dessous entre parenthèses) absente des manuscrits grecs anciens, des vieilles versions et des meilleurs manuscrits de la Vulg[ate], et qui semble être une glose marginale introduite plus tard dans le texte : ‘Car il y en a trois qui témoignent (dans le ciel : le Père, le Verbe et l’Esprit Saint, et ces trois sont un ; et il y en a trois qui témoignent sur la terre) : l’Esprit, l’eau et le sang, et ces trois sont un.’"
Après quelques recherches, voici ce que l'on peut dire sur cette glose introduite dans ce verset de 1 Jean 5:7. Je cite The Goodspeed Parallel New Testament (Chicago ; 1943), de Edgar J. Goodspeed, p. 557 : " Ce verset n’a été trouvé en grec dans aucun manuscrit du Nouveau Testament ou autre texte antérieur au treizième siècle. On ne le rencontre dans aucun manuscrit grec de I Jean datant d’avant le quinzième siècle. Un manuscrit du quinzième siècle, en écriture cursive, et un autre du seizième siècle contiennent cette leçon. Ce sont là les seuls manuscrits grecs du Nouveau Testament qui renferment cette variante. Elle ne se rencontre dans aucun autre manuscrit grec du Nouveau Testament, chez aucun écrivain chrétien grec, ni dans aucune version orientale. Elle a pour principal appui deux manuscrits en latin ancien des VIème et VIIIème siècles et quelques manuscrits de la Vulgate latine, mais non les plus anciens.
Érasme ne la fit pas figurer dans sa première édition du Nouveau Testament en grec (1516), pas plus que dans la seconde (1519). Lorsqu’on le blâma pour cette omission, il répondit imprudemment que si quelqu’un pouvait lui montrer un manuscrit grec où figurait le passage en question, il l’insérerait dans le texte. On porta alors à son attention le Codex Montfortianus, du XVIème siècle, qui contenait ce passage. Il se sentit obligé de faire figurer la variante dans sa troisième édition (1522), et c’est cette édition que Tyndale utilisa dans sa traduction du Testament grec (1525). De Tyndale, ce verset a passé dans la version du roi Jacques. Sa véracité est universellement contestée par les hellénistes et les éditeurs du texte grec du Nouveau Testament. "
Les preuves attestent qu’un manuscrit, que l’on peut aujourd’hui consulter au Trinity College de Dublin, fut rédigé à dessein vers 1520 pour glisser ce texte apocryphe. C'est pourquoi cette interpolation, que les spécialistes appellent le "comma johannique", a été supprimé des versions modernes de la Bible.
Conclusion logique de tout cela : ce verset est totalement irrecevable pour prouver la Trinité.
DES FAITS TROUBLANTS
Si vous vous présentiez comme le gardien fidèle et incorruptible de la Parole de Dieu et qu'il soit soudain porté à votre connaissance qu'une tentative a été faite pour corrompre cette Parole, resteriez-vous les bras croisés? Agiriez-vous promptement pour rétablir la vérité ou au contraire prendriez-vous tout votre temps pour corriger le tir?
Bien peu de gens savent que Isaac Newton (1642-1727) accorda beaucoup d’attention à la doctrine de la trinité. Une des contributions les plus importantes qu’il ait apportées à la recherche biblique de son temps fut son ouvrage (An Historical Account of Two Notable Corruptions of Scripture) sur l’histoire de la falsification manifeste de deux versets des Écritures, publié pour la première fois en 1754, vingt-sept ans après sa mort. Newton examinait toutes les preuves disponibles à partir des textes anciens concernant les deux passages bibliques suivants : 1Jean 5:7 et 1Timothée 3:16. [La falsification de 1Timothée 3:16 fera l'objet de ma prochaine note].
Newton recourut aux écrivains de l’Église primitive, aux manuscrits grecs et latins, et au témoignage des premières versions de la Bible pour démontrer que les mots "dans le ciel : le Père, la Parole, et le Saint-Esprit ; et ces trois-là sont un", censés appuyer la doctrine de la trinité, n’existaient pas dans le texte original grec des Écritures inspirées de Dieu. Puis il révéla comment ce faux s’était glissé dans les versions en latin, d’abord sous forme de note marginale, puis dans le texte lui-même, et il prouva qu’il ne fut incorporé dans le texte grec qu’en 1515, par le cardinal Ximénès, sur la foi d’un manuscrit grec récent, corrigé d’après le latin.
Cette interpolation, que les spécialistes appellent le "comma johannique", a été défendue par le Vatican jusqu’en 1927, bien que plusieurs exégètes catholiques l’aient révoqué en doute dès le VIème siècle. Pourquoi ce peu d'empressement à rétablir la vérité, malgré toutes les preuves disponibles?
Et même après 1927 cette falsification demeure. Par exemple, monseigneur Knox, célèbre bibliste catholique anglais, écrivit dans une note en bas de page de sa traduction (1944) : "Ce verset n’apparaît dans aucun bon manuscrit grec. Mais les versions latines ont pu préserver le texte exact."
Dans la version catholique anglaise dite de la Confraternité (1941), le texte se lit comme suit : "Car ils sont trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, la Parole et le Saint-Esprit ; et ces trois sont un. Et ils sont trois qui rendent témoignage sur la terre : l’Esprit, l’eau et le sang ; et ces trois sont un." Dans une note en bas de page, cette traduction déclare : "Comme le prouvent de nombreux manuscrits et de l’avis de la majorité des commentateurs, ce verset doit se lire : ‘Et ils sont trois qui rendent témoignage : l’Esprit, l’eau et le sang ; et ces trois sont un.’" Cependant, la note ajoute : "Le Saint-Office se réserve le droit de passer outre à l’origine de la présente leçon." (C'est moi qui souligne).
Voila une attitude bien curieuse de la part de celui qui affirme être le seul unique défenseur de la Parole Sainte de Dieu.
Un Commentaire catholique des Saintes Écritures (angl.) prétend expliquer comment le Père, la Parole (Jésus) et l’esprit saint rendent tous trois témoignage à la divinité du Christ. Puis, pour expliquer les mots "ces trois sont un", cet ouvrage dit qu’ils "ont une seule et même nature". Toutefois, il renvoie à une autre page (que la plupart des lecteurs ne consulteront pas). Là, les auteurs admettent que ce passage est généralement considéré comme une glose qui a été introduite dans les vieux manuscrits latins, dans la Vulgate et dans les manuscrits grecs. Si ce passage est une addition, pourquoi alors essayer de l’expliquer?
J'ajoute encore ce commentaire de Cuthbert Lattey : "Les paroles : ‘dans le ciel, le Père (...) rend témoignage sur la terre’, constituent ce qu’on appelle souvent le Comma Ioanneum, ou texte des témoins célestes. Sans lui, la traduction dirait ceci : ‘Car il y en a trois qui rendent témoignage, l’Esprit, l’eau et le sang.’ Presque tous les critiques et la plupart des écrivains catholiques contemporains sont d’avis que ces paroles ne figuraient pas dans le texte original ; en même temps, et jusqu’à ce qu’une décision soit prise par le Saint-Siège, les éditeurs catholiques n’ont pas la liberté de retrancher ces mots d’une version faite à l’usage des fidèles." — The Westminster Version of the Sacred Scriptures (Londres ; 1931), Cuthbert Lattey, S. J., et Joseph Keating, S. J., éditeurs, tome IV, p. 145, 146.
Je termine enfin en vous renvoyant à la version révisée de la Bible Ostervald de 1996. 1 Jean 5:7 se lit ainsi : "Car il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel, le Père, la Parole, et le Saint-Esprit, et ces trois-là sont un. " Pour une version " révisée " je trouve personnellement que les auteurs ont fait du " bon boulot " en conservant une glose reconnue apocryphe depuis des lustres ! Les raisons qui poussent certains à défendre bec et ongle ce passage sont évidentes : "prouver" le dogme de la Trinité par tous les moyens. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi je ne trouve pas cela correct.